AFRIQUE BERCEAU DE L’EPARGNE

Le 31 octobre a été consacré journée de l’épargne. Selon un rapport de la Banque Mondiale, très peu de personnes dans le monde détiennent des comptes bancaires. Et suite aux différentes crises financières, les citoyens du monde ont de plus en plus tendance à garder leurs épargnes dans les foyers. Si les nantis ont de coffres forts, les démunies ont tendance à garder leurs épargnes « sous les matelas ».

C’est ainsi que face à la perte de la culture de l’épargne bancaire, une journée internationale a été instituée le 31 octobre de chaque année comme cadre de sensibilisation et d’éducation financière.

En RDC, 90% de l’épargne est conservée aux foyers sous les matelas, d’où la nécessité de cette journée. La célébration de cette journée en 2011, 2012 et 2013 à l’initiative de la coopération financière allemande en collaboration avec les institutions financières de la RDC a eu pour thème « Epargner en RDC pour mon avenir, oui c’est possible » pour sensibiliser la population, en particulier les jeunes.

Concernant les jeunes qui voient leurs parents garder leur épargne aux foyers, nombreux croient que l’épargne bancaire est une pratique importée de l’occident. Face à cette conception erronée,  un devoir de mémoire s’avère opportun, car l’Afrique est le continent où est née l’épargne bancaire. Il est nécessaire que les jeunes sachent que l’épargne bancaire fait partie de la culture africaine. Le pourquoi de l’épargne bancaire est abordé au point suivant dans une approche historique. Dans quel contexte historique l’épargne est née en Afrique ?

Le réchauffement climatique

à l’origine de l’épargne bancaire en Afrique

En ce 21^ème siècle, des scientifiques occidentaux tirent de plus en plus la sonnette d’alarme sur le réchauffement climatique. Un sommet international sur le climat est prévu en 2015 en France. Les dirigeants du monde sont à la recherche des solutions pour faire face à cette situation.

Et pourtant, le monde a déjà connu des cas de réchauffement climatique. En effet, vers 2.800 avant Jésus-Christ, le réchauffement climatique a provoqué une sécheresse de 7 ans à l’origine de la désertification du Sahara. La stèle dite de la famine nous relate ce récit.

Sept ans de sécheresse et de famine en Egypte antique

« Du haut de mon trône, je pleure ce grand malheur. Pendant sept ans, au cours de mon règne, la crue du Nil n’a pas eu lieu. Le blé est rare. Les vivres manquent. Les hommes transformés en voleurs, pillent leurs voisins. Les gens voudraient courir et ne peuvent marcher. Les enfants pleurent. Les jeunes chancellent comme les vieillards. Les enfants ploient et se traînent misérablement. Leurs âmes sont brisées. Le Conseil des grands est désert.  Les coffres à provision sont éventrés. Ils ne contiennent plus que du vent. Tout est fini »[1].

Comment les sociétés en Afrique ont-elles fait face à la désertification du Sahara provoquée par le réchauffement climatique ?  L’histoire peut nous fournir des renseignements qui peuvent nous permettre d’anticiper l’actuel réchauffement climatique, car « gouverner, c’est prévoir ». L’une des solutions pour faire face au réchauffement climatique fut l’épargne bancaire.

Hommage à Imhotep, artisan de l’épargne bancaire   

Le récit de la stèle de la famine fait allusion au « coffres à provision ». Ce qui illustre que des provisions ont été épargnées. Celui qui a été l’artisan de la constitution de ces provisions fut Imhotep, Vizir (premier ministre) du Pharaon. Son nom n’apparait pas dans l’extrait de ce récit. Son nom n’apparait pas non plus dans l’étude de l’histoire, parce que, l’histoire a été effacée. D’où la nécessité de lui rendre hommage.

En effet, Gérard Fourez, Professeur aux Facultés Notre Dame de la Paix de Namur a stigmatisé l’effacement de l’histoire dans son ouvrage la construction des sciences en ces termes : « à partir de la fin du XVII^ème siècle, l’écriture de la science reflétera (…) la distance par rapport à l’insertion historique ». D’où le besoin de reconstituer l’histoire de l’épargne en Afrique.     

L’EPARGNE A L’ORIGINE DES PREMIERES BANQUES

Afin de mettre en sécurité les provisions épargnées, Imhotep qui fut aussi grand architecte conçut le plan et construisit les premières pyramides. 

La préoccupation de protéger les produits épargnés ou les provisions contre des voleurs et autres pilleurs est à l’origine des premières banques. Il fallait sécuriser les produits épargnés notamment le blé. C’est dans ce contexte que les égyptiens ont construit des édifices en matériaux durables (en pierres) qui marquent l’histoire de l’humanité : ce sont les pyramides qui furent les premières banques « alimentaires » ou les coffres à provision selon l’expression consacrée dans le texte.

En effet, ce sont les nécessités matérielles qui amenèrent les hommes à édifier des forteresses pour protéger les magasins et les  greniers en vue de mettre à l’abri les provisions destinées à l’approvisionnement général.

 De ce fait, les pyramides étaient construites en pierre pour  servir de forteresse afin de sécuriser l’épargne de blé. Voilà comment les premières banques sont nées. L’épargne est donc à l’origine des premières banques.

Cependant, une idée répandue selon laquelle les pyramides n’étaient que des tombeaux ou des temples mérite une rectification du fait que le premier usage des pyramides n’était pas de  servir des tombeaux ou des temples, mais de sécuriser l’épargne de blé en perspective de la sécheresse annoncée.

En effet, ce sont les Mastabas qui servaient des tombeaux en Egypte antique. Mais ces mastabas étaient pillés constamment car dans les tombeaux on déposait des provisions, des outils, des armes, des bijoux en or …, pour que le défunt puisse continuer sa vie d’après la croyance de l’immortalité des âmes.

C’est ainsi que pour sécuriser aussi les tombeaux avec toutes les richesses qu’ils contenaient, on utilisa aussi les pyramides comme tombeaux. Telle est la précision à apporter. D’où la nécessité de restituer aux pyramides leur première fonction à l’occasion de la journée internationale de l’épargne : celle des premières banques de l’humanité.

J’ose croire que ce n’est pas un hasard que la réserve fédérale américaine utilise la pyramide comme symbole sur le billet d’un dollar américain. Probablement la réserve fédérale américaine a compris que les pyramides ont été les premières banques ou réserves.

Il existe de nos jours en occident des banques alimentaires comme jadis en Egypte antique en prévision des années de famine ou tout autre dérèglement du marché alimentaire. Cependant l’Afrique a perdu cette culture. Les plus vielles banques sont alimentaires.

Expansion de la pratique de l’épargne en Afrique précoloniale.

A partir de l’Egypte antique, la pratique de l’épargne bancaire s’était répandue en Afrique, à travers les migrations de peuples. Dans tous les royaumes, empires ou les chefferies, des greniers ou banques alimentaires furent construites malgré que leur architecture n’égala pas celle de l’Egypte antique et même du soudant.

Considérant que la pratique de l’épargne bancaire est née en Afrique, le banquier Jacques Alibert déclare que « l’Africain a un sens inné de l’épargne et sait à la fois prévoir et se priver ».

Dans la même perspective, J.T. CHUNDJANG, souligne que « le taux d’épargne du Ghanéen  est supérieur à celui du Britannique et que l’ivoirien en moyenne épargne plus que le Français. Il révèle que entre 1950 et 1971, le Tunisien a épargnée en moyenne chaque année 13,5% de son produit intérieur, l’ivoirien 21,5%, le Tanzanien 18,7%, le Zaïrois (RDC) 18,8%, alors que dans les pays de l’OCDE, le taux d’épargne tournait au cours de la même période autour de 11% ». 

L’épargne bancaire base de la sédentarisation

L’épargne bancaire a révolutionné la vie des hommes en société. Grâce à l’épargne bancaire, l’homme a quitté la vie nomade et semi-nomade pour devenir sédentaire. C’est grâce à l’épargne bancaire qu’en temps de crise l’homme, au lieu d’aller faire la guerre pour piller, il puise dans les réserves ou provisions épargnées. Au fil du temps, l’épargne n’était plus seulement alimentaire. Elle est devenue aussi financière.

L’épargne bancaire base de l’éclosion de l’écriture et des sciences

Concernant l’écriture, les hommes ont d’abord songé à s’exprimer par des dessins. L’homme dépeint la vie quotidienne (les animaux, la chasse …). Puis le besoin d’identifier les personnes et de quantifier les stocks épargnés amena les hommes à développer l’écriture en exprimant un son et une quantité. D’où la naissance de l’écriture chiffrée et lettrée. L’écriture fut une aide mémoire par rapport à l’épargne. En effet, l’épargne entraîna une accumulation de richesses, ce qui nécessita de connaître chaque fois les quantités qui variaient constamment. D’où l’importance de l’écriture. 

De ce qui précède, de l’Egypte Pharaonique à l’ONU, le réchauffement climatique provoquant la sécheresse et la famine ainsi que les questions de sécurités sont toujours des préoccupations pour l’avenir ou le futur des hommes. D’où l’importance de l’épargne bancaire pour ce 21^ème siècle. L’épargne banque est une pratique millénaire, mais qui est toujours d’actualité. Mais l’Afrique a perdu cette culture.

De ce fait, je rejoins l’opinion de Kenneth Clark  qui fait remarquer que : « malgré les victoires récentes de la science, les hommes n’ont guère changé en 2.000 ans, c’est pourquoi nous en sommes encore à essayer de tirer leçon d’histoire ».

Chercheur Indépendant

                                                                                                                          Jean Raoul LUMPUNGU/ Diffusé par Delphin Bateko

                                                                                                                                                                             00243 812237393

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[1] C. MEEUS, Anthologie 5^ème, Centre de recherche pédagogique de Kinshasa, 1^ère Edition, p.153.