Pérenniser la pensée et l’œuvre d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba

Delphin Bateko Kinshasa/DRC (delphinbateko@yahoo.fr)

     Au moment où les Congolais attendent l’arrivée du corps de M. Étienne Tshisekedi wa Mulumba, feu le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), pour lui rendre les derniers hommages, les politiques devraient penser comment rendre utile la pensée politique de ce combattant infatigable.

     Loin de nous l’idée de donner raison à Amadou Hampate Ba qui disait : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle ».  On sait que hier c’était impossible mais qu’aujourd’hui, c’est possible avec le président Félix-Antoine Tshisekedi car il sait comment valoriser les archives « mémoires ».  
     Depuis l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC), les Congolais ont connu beaucoup d’opérateurs politiques, financiers, économiques, scientifiques, religieux et culturels. Curieusement, personne d’entre eux n’a expliqué  sa pensée ou mieux aucune de leurs pensées n’a été expliqué aux Congolais afin de la pérenniser et de l’inculquer à d’autres générations. Cela serait dû au refus par les politiciens congolais de donner la chance aux experts de leur pays pour réfléchir aux problèmes de leur société et au manque d’organisation sincère qui tue la République démocratique du Congo.
   Si les élites politiques congolaises n’ont pu valoriser la pensée de Patrice- Emery Lumumba et de Laurent-Désiré Kabila, voilà l’occasion, pour Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, de valoriser la pensée « État de droit » d’Étienne Tshisekedi, appelé ‘‘Ya Tshitshi’’ par ses partisans. Non pas parce que c’est son père mais parce qu’Étienne Tshisekedi a battu tous les records de longévité dans la lutte politique de la RDC. Il est resté le même jusqu’à sa mort avec le même message et le même esprit. Une lutte qui est devenue l’incarnation de son combat.

Joseph-Désiré Mobutu et Etienne Tshisekedi Wa Mulumba à Bolobo 1967

   Au regard de son combat, Étienne Tshisekedi n’avait pas seulement, dans son sang, le droit et la politique mais surtout l’esprit de la science physique. Car il savait  quand parler et quel message adresser pour atteindre sa cible.
Au fait, la physique est une discipline scientifique qui n’étudie que les phénomènes naturels. En réalité, la physique permet à tout être d’éviter les fatalités et surtout de respecter ses limites.   
    La nomination de Mgr Gérard Mulumba, frère de ce dernier, au poste de chef de la Maison civile du chef de l’État, croit-on, est une ferme assurance pour la pérennisation de la mémoire d’Étienne Tshisekedi. D’ailleurs, Mgr Mulumba, lui-même, disait que « Étienne Tshisekedi a été un cadeau exceptionnel de Dieu à notre pays ».
Le dernier message d’Étienne Tshisekedi à la population congolaise en date du  24 mai 2016 lors d’un meeting organisé par l’opposition à l’esplanade du stade des Martyrs a porté, notamment, sur une gifle qu’il comptait donner au médiateur des dialogues entre Congolais, le Togolais Edem Kodjo. Il disait en Lingala : « Edem Kodjo, azali Kabiliste monene » (Traduisez « Edem Kodjo est un grand Kabiliste »).

Pérenniser la mémoire d’Étienne Tshisekedi

L’écriture est la plus grande invention de l’Homme pour lui permettre de conserver sa pensée et surtout de parler avec des générations futures. Certes, Étienne Tshisekedi, de son vivant, n’a écrit ni ses mémoires ni ce qu’il pensait de concepts « État de droit et démocratie ». Pour ce qu’il n’a pas fait, il y a moyen de le réparer en recourant aux témoignages, aux écrits (journaux, archives administratives, livres) et à certains documents sonores existants.  
Mais avant toute chose, la République démocratique du Congo devrait construire une unité documentaire (Service d’archives et un centre de documentation) pour recenser les documents sus-évoqués afin de les traiter bibliologiquement avant de les soumettre au public. Il est question aussi de construire une école de formation relative à la pensée tshisekediste. Dans un tel projet, il faut associer les psychologues, sociologues, pédagogues, archivistes, bibliologues, historiens, bibliographes, muséologues, documentalistes, écrivains et journalistes scientifiques pour reconstruire le schème d’Étienne Tshisekedi Wa Mulumba afin de rendre sa pensée active.
   En République démocratique du Congo, la pensée des héros nationaux est utilisée seulement pour l’offensive diplomatique. Et non pour faire revivre ou expliquer, voire  inculquer à la population son combat. Mais personne ne l’a fait. Pour preuve : où pouvez-vous trouver des documents sur la lutte ou les discours de Patrice-Émery Lumumba et de Laurent-Désiré Kabila ? Comment les deux sont-ils devenus des héros nationaux ? Et qu’ont-ils fait pour le devenir ? Jusqu’aujourd’hui, la majorité des Congolais ne savent pas pourquoi Lumumba et Kabila sont devenus des héros nationaux.
   Il convient de souligner qu’en RDC, élever un homme au titre de héro national signifie fabriquer pour lui une statue et organiser régulièrement des messes d’action de grâce en sa mémoire. Sans oublier le dépôt de gerbes de fleurs le jour de la commémoration de sa mort.  C’est pour cette raison que nous prions  l’UDPS de ne pas tomber dans cette erreur.
Et aussi c’est une occasion pour le gouvernement actuel de doter les deux autres héros nationaux de bibliothèques dans lesquelles on peut lire et être formé sur leur combat. Toutes les grandes nations l’ont fait. À titre d’exemple, la France,  la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine ou la Belgique.  
   Étienne Tshisekedi wa Mulumba meurt le 1er février 2017 à Bruxelles (Belgique) d'une embolie pulmonaire. Cela après avoir lutté pacifiquement pendant plus de 30 ans pour l’instauration d’un État de droit en République démocratique du Congo.