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Documentation et archives
10 septembre 2020

30 juin 1960 – 30 juin 2020: 60 ans d’une indépendance sans substance: 30 ans d’une démocratie de façade

Membre bien connu  de l’Intelligentsia congolaise, Modeste Mbonigaba nous livre ici la quintessence de ses réflexions qui, en une trentaine d’années, ont été produites sous forme d’ouvrages, d’articles et de communications diverses. De 1988 à ce jour en effet, Modeste Mbonigaba a écrit une trentaine de textes portant sur les élections, la démocratie et le développement en Afrique. S’agissant des élections, par exemple, il a notamment publié : «POURQUOI VOTE-T-ON ?», «QUEL ELECTEUR POUR QUELLE ELECTION ?», «L’URNE ET LE MARCHE»…

Sur la démocratisation, il a, entre autres, écrit : «CROISADE CONTRE LA MEDIOCRATIE», «COMMENT TUER LE TRIBALISME SANS TUER LA TRIBU ?», «L’AFRIQUE EST-ELLE…DEMOCRATISABLE ?», «DEMOCRATISATION DE L’AFRIQUE : CHANGEMENT EN PROFONDEUR OU SIMPLE REPLATRAGE ? »...

Enfin, concernant le développement de l’Afrique en général et du Congo/Kinshasa en particulier, il a notamment publié les brochures ci-après : «LE MICRONATIONALISME, PRINCIPAL OBSTACLE AU DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE ? »,«ELECTIONS, DEMOCRATIE, DEVELOPPEMENT : LE CONGO (RDC) PEUT-IL…REVEILLER L’AFRIQUE ?», «CHANGER LE CONGOLAIS POUR … CHANGER L’AFRIQUE ?», «CONGO OBJECTIF 2040. Préalables pour une vraie émergence en 20 ans»...

Découvrons, à travers cette interview, à quel point l’auteur a effectivement décortiqué ces notions fondamentales trop souvent abordées de façon superficielle par la plupart des acteurs politiques et sociaux. 

Quel bilan faites-vous de ces soixante ans d’indépendance du Congo/Kinshasa en particulier et d’une quinzaine d’autres Etats africains en général?

La date d’aujourd’hui  est en effet  une occasion en or pour marquer une pause en vue d’évaluer le chemin parcouru depuis six décennies. Pour nous qui en 1960 étions certes encore très jeunes mais avions déjà l’âge de raison, les  timides réalisations des soixante dernières années ne peuvent pas masquer l’incroyable  dégradation des infrastructures léguées par la colonisation, infrastructures qui, faut-il le rappeler, ont été, pour la plupart, construites en seulement quinze ans en ce qui concerne notre pays, soit entre la fin de la deuxième guerre mondiale et 1960.

Mais, surtout, lorsqu’on se compare à  des pays comme l’Afrique du Sud, la Corée du Sud ou le Canada qui, il y a soixante ans, étaient sur la même ligne de départ que le Congo Kinshasa, c’est alors qu’on prend toute la mesure de l’énorme retard accumulé. Au vu de cet immense gâchis, on ne peut s’empêcher de se poser des questions du genre : Que s’est-il passé ? Que nous est-il arrivé ? Comment sommes-nous tombés aussi bas ?

 Prendre la mesure de l’énorme retard accumulé

Rares sont ceux qui se donnent la peine de mesurer ce que notre recul représente pour nous-mêmes et pour l’ensemble de l’Afrique.  Il faut pourtant admettre que si, après la proclamation de l’indépendance, toutes les choses étaient restées égales par ailleurs en termes d’efficacité managériale, le Congo/Kinshasa afficherait aujourd’hui un Produit Intérieur Brut  (PIB) au moins trente fois supérieur à celui qui est le sien à ce jour, soit 1.500 milliards de dollars américains au lieu des «minables» 50 milliards de dollars américains alignés actuellement ! Ce montant représente le Produit Intérieur Brut de la Corée du Sud en 2017 ! Pour cette même année, le budget de ce pays était de 318 milliards de dollars américains !

Imaginons, un bref instant, le Congo/Kinshasa présentant un budget de 300 milliards de dollars américains et les affectations qu’il pourrait en faire. Le secteur stratégique de l’éducation et de la recherche pourrait facilement bénéficier de 25% de ce budget, soit 75 milliards de dollars US ; 50 milliards pour les dépenses liées à la santé publique ; 30 milliards pour les routes ; 30 milliards pour les chemins de fer ; 30 milliards pour le secteur énergétique, etc. Ce sont des affectations budgétaires de cet ordre qu’on rencontre aujourd’hui dans les pays cités ci-haut comme ayant partagé avec nous le même niveau de PIB en 1960.

Cette projection de ce qui aurait dû être aujourd’hui la hauteur de notre Produit Intérieur Brut et de notre budget a le mérite de mettre en lumière le niveau d’arriération du point de vue de notre développement économique et donc le gap que nous aurons à combler… 

Comment peut-on expliquer un décrochage aussi spectaculaire ? 

A nos yeux, ce décrochage est dû à deux causes, principalement.

 La première, c’est sans aucun doute le bas niveau de performance de l’encadrement autochtone, complètement inexpérimenté et très peu qualifié qui, au 30 juin 1960, succède à un encadrement colonial, compétent et hautement qualifié. C’est ainsi que, à titre d’illustration, un ancien tailleur de quartier accédera, du jour au lendemain, au poste prestigieux  d’Administrateur de Territoire… !

Par contre, les ouvriers et autres auxiliaires autochtones qui ont construit toutes ces infrastructures routières, ferroviaires, scolaires, sanitaires et autres, certes sous l’encadrement du colonisateur, resteront, pour ainsi dire, chacun  à son  poste. Ce n’est donc pas de leur côté qu’il faut aller chercher le responsable de ce décrochage.

La deuxième cause, à nos yeux la plus grave, est à rechercher du côté de l’homme congolais en tant qu’acteur. Cet homme qui est le fruit d’une histoire ayant fait de lui, successivement, une marchandise à exporter durant quatre siècles et demi de traite negrière et une force de travail à exploiter localement durant près de cent ans, se trouve projeté, du jour au lendemain, du moins en théorie, dans le rôle de …Patron du Congo, propriétaire d’un fabuleux patrimoine que, de son côté, le désormais ancien patron et colonisateur n’entend point céder !

Du coup, on se trouve face à une situation tout à fait ubuesque où les cadres sont, en termes d’efficacité managériale, totalement en-deçà des normes établies et où le Patron, à qui ces derniers  sont tenus de rendre compte, NE SAIT MEME PAS QUI IL EST !!!

La voilà la dure réalité d’une décolonisation bâclée, une décolonisation qui, pour n’avoir pas préparé le futur PROPRIETAIRE  à prendre réellement possession de son patrimoine a, de ce fait, créé les conditions d’une véritable «recolonisation», mais une recolonisation certes, par nationaux interposés !!! 

 Absence d’efficacité managériale des cadres

Il faut tout de même signaler que, pour avoir refusé de jouer le funeste rôle de simple «KAPITA GENERAL» dans cette nouvelle configuration - alors que, pour son malheur, il n’avait pas derrière lui une armée de «citoyens-propriétaires» prête à TOUT pour protéger son patrimoine  -   Patrice LUMUMBA, premier Chef du Gouvernement du Congo dit indépendant, sera tout de suite écarté arbitrairement du pouvoir d’Etat avant d’être tué…

Après quoi, la recolonisation pourra se poursuivre «paisiblement», recolonisation dont l’un des éléments de fragilisation permanente sera le fait pour la néo colonie de n’avoir jamais à s’imposer cette règle d’or en management  qu’est : L’HOMME QU’IL FAUT A LA PLACE QU’IL FAUT. Tout l’édifice néocolonial reposera en effet sur le déni de cette règle d’or car sa mise en application  revenait implicitement à mettre en place un système de gouvernance plus efficient et, du coup, plus difficilement…manipulable. Ce qui n’était manifestement pas dans l’intérêt du «Maître», désormais obligé d’opérer dans l’ombre. Donc, visiblement, la meilleure façon de maintenir le statu quo et de continuer à exercer un contrôle strict sur les «néo colonies» sera, dès le départ, le déni de cette règle d’or en management, tout en étant conscient des conséquences qui en découlaient, à savoir que : CELUI QUI N’EST PAS A SA PLACE, DETRUIT ! C’était, en quelque sorte, le prix à payer par la néo colonisation pour maintenir les «néo colonies» en état de fragilité permanente.

Soixante ans plus tard, on réalise à quel point ce laxisme dans le choix des hommes et des femmes à qui confier les responsabilités d’Etat nous colle toujours (et même plus que jamais) à la peau. 

Comment, avec de telles faiblesses dès le départ, pouvait-on espérer construire un Etat digne de ce nom et véritablement tourné vers le progrès ? 

Avec l’abandon de cette exigence cardinale de toujours «PLACER L’HOMME QU’IL FAUT A LA PLACE QU’IL FAUT», il devenait en effet quasiment impossible de construire dans nos pays un Etat digne de ce nom. C’est sans doute pour cela que, s’agissant de l’Afrique, Jacques AUSTRUY parlera, non pas d’Etats mais plutôt de… Quasi-Etats ! Pour ces derniers, il n’est par exemple pas question, en ce qui concerne le «recrutement» ou la nomination de tel ou tel haut responsable, de continuer à  brandir des  exigences telles que le savoir requis, le savoir-faire, l’expérience ou la moralité. Comme si indépendance, pour ces Quasi-Etats, était synonyme de légèreté, de laisser-aller, de…médiocrité.

Dans un contexte gagné à ce point par le laxisme à tous les niveaux et dans tous les domaines, c’est tout naturellement que, quelques années plus tard (autour de 5 ans pour la plupart de ces pays), des pouvoirs «forts» (des dictatures) crédités de plus de rigueur et de discipline seront appelés à la rescousse pour …«sauver ces pays de la dérive anarchique». Mais, en guise de discipline et de rigueur, ces «pouvoirs forts» vont davantage se focaliser sur les voies et moyens de s’éterniser à la tête du pays et non sur la lutte contre le sous-développement. Ce qui, pour la néo colonisation, est exactement ce qu’il lui faut parce que cette dernière n’a besoin que d’une chose pour continuer à prospérer : la STABILITE politique dans les néo colonies!

Trente ans après l’indépendance nominale, ces fameux pouvoirs forts sont à leur tour mis en cause par les mêmes «inspirateurs» extérieurs. C’est qu’avec la chute du mur de Berlin, 1989 sonne en fait le glas de la guerre froide. Jusqu’alors emprisonné dans la logique des rivalités Est-Ouest, le processus de démocratisation des peuples, considéré comme une réponse globale au déficit de gouvernance  relevé ci-haut, pouvait enfin démarrer sans entraves d’aucune sorte. 

 Exigence cardinale de toujours  «PLACER L’HOMME QU’IL FAUT A LA PLACE QU’IL FAUT»,

C’est alors que fleurissent un peu partout en Afrique francophone des Conférences Nationales (voulues) Souveraines en vue de faire le point de la situation, prélude à l’élaboration d’un nouveau projet de société susceptible de répondre adéquatement aux attentes des populations africaines. En fait, ces attentes se résument à cette époque en un seul mot : DEMOCRATIE, DEMOCRATIE, DEMOCRATIE !!!

En 1960 c’était : INDEPENDANCE CHA CHACHA !!!

Mais, comme en 1960, il va falloir tout de suite déchanter parce que, dans le meilleur des cas (plutôt rares du reste), ce sont des «démocraties de façade» qui s’installeront ici et là tandis que partout ailleurs (c’est-à-dire dans la majorité des cas), on assistera à la reconduction des  vieux dictateurs «convertis» entretemps  -  on ne sait par quel miracle -  en «démocrates convaincus» !

Comme en 1960 en effet, la démocratie «à l’occidentale»  assaisonnée à la sauce africaine va davantage se préoccuper de la forme plutôt que du contenu, de la procédure et non de la substance.  C’est cette démocratie sans substance qui, selon nous,sera responsable de tous les maux dont souffre l’Afrique aujourd’hui : depuis l’exacerbation des clivages tribaux, ethniques, géographiques, linguistiques ou religieux jusqu’au népotisme, au régionalisme, à la corruption généralisée, à la mauvaise gestion institutionnalisée, en passant par l’infantilisme politique, le «non développement», les violations massives des droits et libertés des citoyens…

Alors que  cette démocratisation «à l’occidentale» était perçue comme la meilleure réponse à la mauvaise gouvernance des trois décennies précédentes, grande sera la déception des Africains trente ans plus tard. Aujourd’hui en effet, cette déception est tellement énorme, au vu du spectacle désolant sur la scène politique auquel nous assistons ici chez nous (mais pas seulement !),  que certains n’hésitent pas à réclamer le retour à la dictature pour peu  que cette dernière soit … éclairée !!! 

Prenant le contre-pied de ceux qui appellent au retour d’une certaine forme de dictature, vous prônez, vous, l’instauration de la VRAIE DEMOCRATIE. De quoi s’agit-il exactement ? 

Nous sommes en effet parmi ceux qui affirment qu’il n’y a pas de démocratie digne de ce nom dans la quasi-totalité de nos pays. A nos yeux en effet, il n’y a de démocratie véritable que là où, à la base de tout, le peuple est le véritable PATRON, le véritable PROPRIETAIRE de son pays. Nous savons tous comment se comporte tout vrai propriétaire d’un patrimoine. S’il ne peut pas le gérer lui-même, il ne va pas chercher le premier aventurier croisé dans la rue pour lui confier la lourde responsabilité de gérer celui-ci à sa place ! Bien au contraire, il va recruter au prix fort le meilleur manager du coin pour que ce dernier fasse croître,  de façon optimale, la valeur dudit patrimoine, quitte à le sanctionner avec la plus extrême sévérité en cas de contreperformance.

A l’échelle d’un pays qui se veut une démocratie, le comportement de son  PROPRIETAIRE ne peut pas être différent. Encore faut-il que le propriétaire de ce pays en soit réellement conscient… ! Car, un propriétaire inconscient est pire que le dernier des hommes et ne mérite que déconsidération et mépris. (A ce propos, je vous renvoie à la lecture d’un livre  fort intéressant, intitulé : «La République des inconscients», de Modeste MUTINGA). 

 Les Congolais ne savent pas qu’ils sont les seuls propriétaires du Congo 

Le voilà le vrai problème du Congo en particulier  et de l’Afrique en général : les Congolais ne savent pas qu’ils sont les seuls propriétaires du Congo  comme  les Africains ne savent pas qu’ils sont les seuls propriétaires des fabuleuses ressources dont regorge ce continent !

Comme nous l’avons indiqué dès le début de cette interview, cela est parfaitement compréhensible. Ce ne sont pas leurs Maîtres d’hier (et d’aujourd’hui, bien qu’agissant désormais par personnes interposées) qui allaient le leur faire voir ! Quand on est descendant d’ancêtres qui ont été vendus comme esclaves pendant plusieurs siècles et que pendant près d’un autre siècle on a subi le travail forcé et les humiliations d’une colonisation impitoyable, ce n’est pas par un claquement des doigts qu’on adopte, du jour au lendemain, le comportement de Patron, de Propriétaire !

La bonne nouvelle c’est que, après 60 ans d’une indépendance sans contenu substantiel ne nous conférant, de ce fait, qu’une «souveraineté de pacotille» ; après 30 ans, non pas de démocratie mais de… «DEMOCRATURE» ou de «MEDIOCRATIE», nous sommes aujourd’hui en mesure de recouvrer totalement notre indépendance en donnant enfin au peuple congolais la jouissance de sa pleine souveraineté, à travers la pratique d’une VERITABLE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE ! 

 Nos lecteurs ont hâte de prendre connaissance de cette «formule magique» qui permettrait au peuple congolais de devenir enfin PROPRIETAIRE  du Congo à travers la pratique de ce que vous appelez une VERITABLE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE. En quoi consiste-t-elle ? 

L’impératif en effet se situe à trois niveaux : primo, il faut changer le comportement du Congolais pour que désormais, par ses actes, tout le monde constate qu’il est effectivement devenu le PROPRIETAIRE du Congo ; secundo, il faut ne faire émerger que les meilleurs fils et filles du Congo pour le gérer à tous les niveaux de gouvernance (local  et/ou communal, provincial et national) ; tertio, il faut  faire participer tous les Congolais à ce magnifique exercice de démocratie. 

 Mais, faire participer tous les Congolais, c’est exactement ce qui se fait depuis le début de la fameuse démocratisation «à l’occidentale» jusqu’aujourd’hui. Aux dernières élections générales en effet, ce sont les 40 millions de Congolais en âge de voter qui ont été convoqués aux urnes. Quelle est dès lors l’originalité de votre démarche ? 

Depuis les premières élections de 2006, puis celles de 2011 et surtout celles de 2018, de nombreux Congolais ne cessent de dénoncer les failles du système électoral actuellement en vigueur. Afin d’y remédier, certains prônent la révision du mode de scrutin dans le sens de réduire drastiquement et arbitrairement le nombre d’électeurs à la plupart des scrutins. Pour nous, par contre, il est hors de question qu’un seul citoyen, identifié comme électeur par la CENI, soit exclu du vote. Nous pensons même élargir l’«assiette électorale» en l’ouvrant davantage aux jeunes scolarisés d’un certain âge….

Notre approche repose plutôt sur un postulat simple selon lequel, derrière le droit de vote reconnu à tous il y a le DEVOIR DE BIEN ELIRE attendu de chaque citoyen. Le devoir de bien élire et donc de jouir de façon responsable de ce droit fondamental, est d’après nous la chose la plus importante en démocratie. Car, laisser jouir quelqu’un d’un droit aussi important tout en sachant qu’il n’en ferait pas bon usage, du fait de son ignorance des enjeux, est presqu’assimilable à un crime. Le piège mortel dans lequel nous sommes tombés se situe là. C’est parce que nous n’avions pas tout de suite saisi l’impératif de toujours coupler le droit de vote et le devoir de bien élire que, depuis le 30 juin 1960 jusqu’à ce jour, nous n’avons pas pu jouir pleinement de notre souveraineté et n’avons pas su faire émerger les meilleurs fils et filles du pays pour nous gouverner à tous les échelons. Autrement dit, tous nos malheurs évoqués ci-haut sont la conséquence logique de cette négligence coupable : depuis l’exacerbation des clivages tribaux, ethniques, géographiques, linguistiques ou religieux incitant parfois au séparatisme ou à la sécession jusqu’au népotisme, au régionalisme, à la corruption généralisée, à la mauvaise gestion institutionnalisée, en passant par l’infantilisme politique, le «non développement», les violations massives des droits et libertés des citoyens…

Derrière le droit de vote reconnu à tous il y a le DEVOIR DE BIEN ELIRE

Tout le monde sait pourtant que c’est la conscience politique d’un individu qui dicte son comportement, en particulier vis-à-vis de ceux qui gouvernent ou aspirent à gouverner. Plus on a une conscience politique aiguisée, plus on est exigeant vis-à-vis des «politiciens». L’état lamentable dans lequel se trouve notre pays aujourd’hui est la meilleure illustration du très bas niveau de conscience politique de la plupart de nos concitoyens. Bas niveau de conscience politique que certains appellent l’analphabétisme politique, magnifiquement déclamé par le célèbre poète allemand Berthold Brecht.

La participation citoyenne à la bonne marche des affaires du pays devrait donc, logiquement, être fonction du niveau de conscience politique de chaque individu. Autrement dit, seule la capacité de bien élire à telle ou telle élection devrait être le critère par lequel les citoyens se distribueraient les rôles dans la pyramide électorale. A cet égard, le constat qui a été fait en observant le comportement des citoyens sur le terrain est tout à fait édifiant : il s’est avéré en effet que c’est  lorsqu’un citoyen n’est pas capable de bien choisir par lui-même l’homme ou la femme répondant au «job description» pour tel ou tel mandat électif, qu’il brade facilement sa voix contre une bière, un tee shirt ou un petit billet… !

Avec notre formule par contre, les 40 millions de voix recensées en 2018 par la CENI deviendraient toutes des voix en or, des voix tellement précieuses qu’aucun électeur ne voudrait, pour rien au monde, rater un seul rendez-vous électoral ! Bref, on assisterait désormais à des élections avec… 100% de taux de participation ! 

Concrètement, comment cela se traduirait-il dans les faits ? 

Concrètement, la démarche consisterait à  poser cette question simple lors de l’enregistrement des électeurs. «Qui sont capables de BIEN ELIRE leurs Chefs de Secteur et Chefs de Quartier ?» La réponse à cette question serait, sans aucune hésitation : tous les 40 millions d’électeurs recensés par la CENI pour les dernières élections de 2018 ! A ce stade en effet, toute personne normalement constituée, même si elle ne sait ni lire ni écrire, n’a pas besoin d’aide pour identifier la bonne personne dans son quartier ou son groupement pour être son Représentant dans la conduite des affaires de la Commune ou de la Collectivité. Par contre, à la question : «Qui sont capables de BIEN ELIRE leurs Députés Provinciaux, leur Gouverneur et Vice-Gouverneur de Province ?» Ici, on voit tout de suite que celui qui ne peut pas lire ou écrire une lettre ou un simple texto dans sa langue (swahili, lingala, tshiluba ou kikongo) reçu ou à envoyer à son élu ; celui qui ne possède pas les rudiments de la géographie, de l’histoire ou de l’économie de sa Province risque de ne pas saisir correctement les enjeux de ces élections et du coup de ne pas être à même de BIEN ELIRE son représentant à ce niveau. 

Permettre au peuple de recouvrer sa véritable souveraineté

D’après nos recoupements effectués sur base d’un certain nombre de critères, ils sont tout au plus 20 millions (sur les 40 millions) d’électeurs à même de bien jouer leur rôle  à ce stade. Et enfin, «qui sont capables de BIEN ELIRE le Président de la République, les Députés Nationaux et les Sénateurs ?». C’est ici que le peuple Patron doit s’affirmer aux yeux du reste du monde comme étant un Acteur parfaitement conscient de sa lourde responsabilité et de sa noble mission. Son ambition doit être celle de positionner les meilleurs fils et filles du pays pour non seulement gérer au mieux son patrimoine en interne mais aussi défendre sa cause au sein de toutes les instances africaines et mondiales. Ils sont au grand maximum 10 millions (sur les 40 millions) d’électeurs à pouvoir  opérer correctement la sélection (lors du vote), le contrôle (durant le mandat) et la sanction (le cas échéant) de leurs dirigeants à ce niveau.

Au total, cette réforme permettrait à la fois au peuple de recouvrer sa  véritable souveraineté et à l’Etat de réaliser de substantielles économies. En effet, grâce à cette réforme, l’Etat serait  notamment en mesure d’organiser, en une seule journée, tous les scrutins (locaux, provinciaux, sénatoriaux et nationaux) et de réduire, de plusieurs dizaines de millions, les bulletins de vote utilisés aux niveaux provincial et national. 

 Sur qui, sur quelles forces comptez-vous vous appuyer pour mener à bien cette réforme qui, il faut le reconnaître, va provoquer un véritable chamboulement du paysage politique ? 

Cette question est à nos yeux la plus importante parce qu’elle permet de tester les chances de succès de cette ambitieuse réforme. D’emblée, il faut écarter l’hypothèse de chercher un quelconque appui du côté des structures et autres organisations traditionnelles qui, depuis 1960,  se complaisent dans la médiocrité ambiante. Il faut plutôt chercher à mobiliser cette écrasante majorité de l’intelligentsia congolaise qui est restée en marge des rouages décisionnels au cours des soixante dernières années. Cette catégorie de l’intelligentsia est facilement repérable dans les associations d’anciens et anciennes élèves ou d’anciens étudiants. Les Anciens Elèves des Jésuites, par exemple, catégorie à laquelle j’appartiens, sont organisés en Association par Collège  et en Fédération au niveau national. Ils ont même créé, depuis 1995, un regroupement au niveau continental. Ces centaines d’Associations se réunissent tous les trois ans en Congrès organisé par l’Union Mondiale des Anciens Elèves des Jésuites. Les Anciens Elèves des Frères des Ecoles Chrétiennes,  des Pères de Scheut et de toutes les autres Congrégations engagées dans le secteur de l’éducation, ont des structures similaires. 

Mobiliser l’écrasante majorité de l’intelligentsia congolaise

Les Anciens Etudiants de l’Université Lovanium (aujourd’hui Université de Kinshasa), dont je fais partie, ou des autres Universités et Instituts Supérieurs présents dans le pays sont également organisés en Associations et sont potentiellement en mesure de poser des passerelles entre eux lorsqu’il s’agit de défendre une grande cause…

Cette catégorie de l’intelligentsia se retrouve également dans les différents mouvements des Laïcs  évoluant au sein des confessions religieuses. Pour avoir évolué durant plusieurs décennies dans le Conseil de l’Apostolat des Laïcs Catholiques du Congo(CALCC), je sais, par expérience, qu’il existe au sein de chacune des 1.250 Paroisses (et plus) disséminées à travers tout le pays une Antenne de la Commission JUSTICE ET PAIX.

Une telle proposition émise par un acteur issu des mêmes  milieux ne peut pas ne pas interpeller toutes les forces de progrès éparpillées dans ces multiples organisations de la Société Civile.

Le fait de ne pas chercher l’appui d’un certain type d’organisations n’exclut pas la possibilité, pour les personnalités issues de ces organisations, d’adhérer à notre cause en déclarant publiquement leur soutien à ce «mouvement citoyen pour la libération effective du Congo Kinshasa et de l’Afrique». 

Avez-vous déjà un scenario, un schéma pour l’avenir en cas de succès de votre projet ?

 Dans notre dernier ouvrage paru fin novembre 2018 aux Editions Universitaires Européennes intitulé «CONGO OBJECTIF 2040. Préalables pour une vraie émergence en 20 ans», nous donnons les seize piliers sur lesquels s’appuierait le décollage fulgurant du Congo, suite à l’application de cette réforme. L’objectif principal visé par cette réforme est en effet celui de pouvoir atteindre le seuil de  bonne gouvernance globale permettant d’amorcer le processus d’un développement accéléré.  En effet, il faut préalablement se retrouver en tête du classement des pays les plus performants du monde établi non seulement par «Doing Business» pour le climat des affaires, «Transparency International» pour la lutte contre la corruption, la «Fondation Mo Ibrahim» pour la bonne gouvernance en général, mais aussi par «Amnesty International» pour la protection des droits de l’homme, «Greenpeace» pour la protection de l’environnement, «Global Witness» pour la surveillance globale, et par toutes les autres Agences de notation spécialisées dans les différents domaines de la vie des Etats. 

Un redressement spectaculaire est tout à fait possible en seulement 20 ans

 C’est après avoir atteint ce seuil que le Congo Kinshasa serait littéralement envahi par ces «bons» investisseurs éparpillés aux quatre coins du monde qui, aujourd’hui, hésitent encore à s’y engager durablement. Dans ces conditions, les sommes immédiatement mobilisables au titre des ressources propres et de l’«aide publique au développement» seraient d’au moins 20 milliards de dollars US dans les premières années tandis que le secteur privé attirerait annuellement pas moins de 10 milliards de dollars US. Voilà la masse critique des moyens  qu’il faut mobiliser pour faire décoller durablement l’économie congolaise.

 Avec son énorme potentiel de croissance, le Congo/Kinshasa est capable d’afficher annuellement et ce, pendant deux à trois décennies, un taux de croissance à deux chiffres, au point de pouvoir doubler son Produit Intérieur Brut (PIB) tous les cinq ans ! Concrètement, cela revient à dire que si notre PIB est de 50 milliards de dollars US aujourd’hui (2020), il devrait passer, en valeur constante, à …800 milliards dollars US dans vingt ans ! Voilà l’ambition que nous devons avoir pour le Congo de 2040 ! Et nous ne serions pas les premiers parce que, dans les années 80-90, les quatre dragons d’Asie (Hong Kong, Singapour, Corée du Sud et Taiwan) mais aussi la Chine des années 80, 90  et du début des années 2000, ont réalisé des taux de croissance de cet ordre.

Donc, après 60 ans de tâtonnements, un redressement spectaculaire est tout à fait possible en seulement 20 ans si, à partir d’aujourd’hui et grâce à cette réforme, le peuple congolais recouvrait sa pleine souveraineté et plaçait enfin L’HOMME QU’IL FAUT A LA PLACE QU’IL FAUT. 

Comment souhaiteriez-vous conclure cette interview ?       

Pour nous, il ne fait aucun doute que le Congo Kinshasa est directement responsable du décollage manqué de l’Afrique. Son décrochage depuis 1960 a impacté négativement le devenir de tout le continent. Si la part de l’Afrique dans la production et le commerce mondial a chuté de façon drastique entre 1960 et aujourd’hui, le Congo Kinshasa en est l’un des principaux responsables. Qu’un continent qui représentait 10% de la production mondiale et 12% du commerce mondial en 1960 soit aujourd’hui descendu à l’échelle d’un «petit» pays européen pour ne peser désormais que… 1% de la production mondiale et… 2% du commerce mondial, cela devrait interpeller l’intelligentsia congolaise et africaine.

Avec la réforme proposée ici, le Congo Kinshasa reprendrait sa place de locomotive au niveau continental, d’abord par l’effet de contagion que cette réforme exercerait dans ses abords immédiats. C’est l’homme d’Etat sénégalais, Moustapha Niasse qui disait que 35 Etats africains étaient directement affectés par ce qui se passait (se passe) au Congo Kinshasa. 

La réforme va permettre au Congo Kinshasa d’avoir les «meilleurs élus» d’Afrique

Cette réforme va permettre au Congo Kinshasa d’avoir les «meilleurs élus» d’Afrique et, probablement, du monde ! Avec de tels atouts, ce pays pourrait symboliquement aller à la «conquête» de sa sous-région et au-delà. Panafricanistes jusqu’à la moelle des os, ses 10 millions d’électeurs au niveau national ne donneraient en effet aucune chance à tout leader politique qui ne s’inscrirait pas dans la logique de l’unification rapide du continent. Voilà ce que toutes les forces de progrès en Afrique et dans le monde attendent du Congo Kinshasa : être le déclencheur du processus de l’unification rapide et effective de l’Afrique.

Pour tout dire, c’est ici et maintenant que va commencer, à partir du Congo Kinshasa, la libération effective de l’Afrique, comme l’avait prophétisé Frantz Fanon, il y a une soixantaine d’années ! Et les apports des uns et des autres sont les bienvenus pour enrichir et faire triompher ce formidable projet ! 

 Le Potentiel n°7861 du 29 juin 2020

 

 

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