Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Documentation et archives
27 novembre 2020

Camille KUYU, Félix TSHISEKEDI. Un leadership vertueux pour un nouveau Congo, Paris, Espérance, 2020

Le Professeur Camille Kuyu vient de mettre sur le marché du livre une réflexion sur l’actuel Président de la RDC. Articulé sur quatre parties, l’ouvrage de 205 pages, publié le 30 juin 2020 aux éditions Espérance en France et écrit dans un style très accessible, voudrait que plus rien ne soit plus cette fois-ci comme avant. Le fil rouge brille sur les atouts que possède Félix Tshisekedi qui doit asseoir son leadership sur des vertus susceptibles de mener le pays vers de nouveaux rivages.

En exorde du livre, l’auteur reprend les « béatitudes du politicien » du Cardinal Van Thuan (1928-2002), dont celle qui postule qu’ « Heureux le politicien qui a une haute idée et une profonde conscience de son rôle ». Pourrait-on incarner un leadership sans cette conscience ? En tout cas, l’ouvrage analyse les défis auxquels la RDC fait face et identifie quelques pistes de réponse à partir des discours et messages du Président Félix-Antoine Tshisekedi. Seulement, le leitmotiv de l’émergence d’un autre Congo ne sera possible que si et seulement si le leadership « tshisekediste » est accompagné par une bonne partie de la classe politique et de la population. Ce leadership doit signer un retour aux vertus.

Il est rappelé dans cet oeuvre que la RDC est un sous-continent à la dérive et sa contreperformance est unique dans l’histoire économique des Etats du Tiers-Monde. Pour s’en sortir, Camille Kuyu pense qu’il n’y a pas mille voies : il faut accorder la priorité absolue aux règles éthiques de la bonne gouvernance, à travers le respect des biens et fonds publics, la lutte sans merci contre la corruption et les détournements.

Dans la première partie consacrée à l’éthique et à la dignité humaine, l’on pourra lire que la pauvreté reste un véritable défi pour le gouvernement congolais. Il faut une démarche novatrice pour y répondre et dépasser la contradiction entre l’immensité des richesses du sol et du sous-sol et le quotidien misérable de la population. Cela passe notamment par la transition démographique devant permettre de résoudre la question de l’emploi, la transition démocratique pour laquelle le livre nous met en garde contre la vulgarité de considérer l’alternance politique de janvier 2019, bien qu’étape importante dans le processus, comme un ad quem. Au contraire, plus que jamais, la démocratie reste requise plutôt qu’acquise insiste l’auteur.

Le lecteur se rendra compte que dans cette partie, le livre met en relief le discours du Président Félix-Antoine Tshisekedi à l’ONU lorsqu’il fustigeait les inégalités et l’exclusion. Le Chef de l’Etat congolais considère ces dernières comme les principales menaces sur la paix, la stabilité et le développement harmonieux. Elles alimentent les flux migratoires incontrôlés des peuples entiers à la recherche d’un meilleur avenir. En même temps, elles accentuent les réflexes xénophobes, la montée en force des populismes ainsi que la radicalisation des laissés pour compte. La dignité postulée dans cette réflexion se vit à travers l’éducation, clé du développement, et la santé. L’auteur montre que le programme du Président congolais d’assurer la gratuité de l’enseignement élémentaire, la couverture maladie universelle, l’accès à l’eau et à l’électricité participe à cet idéal. On ne le dira jamais assez, ce programme est un construit où s’affrontent divergents discours sur sa concrétisation, réalité restée aussi insaisissable que désirée, pourtant à la fois nécessaire et hors d’atteinte.

La deuxième partie revient sur les antivaleurs qui ont pris en otage le pays. La corruption est pointée comme ennemi numéro 1. L’auteur reconnaît que la lutte contre ce fléau n’est pas facile et nécessite plusieurs actions. Dans un court terme, cette luttedevra s’inscrire dans la répression des actes délictueux individuels, le démantèlement des réseaux auxquels les individus appartiennent et le contrôle des profits générés par les activités criminelles. A moyen terme, le pays doitse doter des lois anti-corruption actualisées adaptées aux nouvelles techniques de corruption. L’auteur insiste sur le fait que l’existence d’une loi anti-corruption ne suffira pas à elle seule pour transformer la société congolaise. En réalité, le vrai problème n’est pas celui de l’absence ou de l’inflation des textes, mais celui de leur application. Cela passe nécessairement par un changement des mentalités et une éducation à la citoyenneté basée sur la culture des vertus. Enfin, à long terme, la prévention et la sensibilisation des populations aux effets néfastes de la corruption devraient être privilégiées. Pour ce faire, il est indispensable de cartographier les risques, de mettre en œuvre un dispositif d’alerte interne et protéger les lanceurs d’alerte.

Les inégalités de genre ont fait l’objet d’un examen sans complaisance dans la troisième partie. Le livre analyse différents rapports, dont celui du PNUD, sur les inégalités dans la représentativité politique. Partant des statistiques, il est fait constater que pendant les cinq législatures qu’a connues la Deuxième République du Zaïre, le nombre des femmes députés et sénatrices se situait entre 2% et 6%. Ce travail comparatif a été étendu aux législatures de la Troisième République, dans les services de diplomatie, dans les entreprises publiques, dans la Territoriale, etc. Cette analyse finit par s’arrimer, à titre prospectif, aux différents discours du Président de la République qui garde le leitmotiv d’impliquer des Femmes dans l’ensemble des activités de la vie de notre nation.

Un autre point intéressant abordé dans cette partie est la déconstruction de l’imaginaire et des mythes véhiculés par les textes bibliques et la chanson populaire.Pour expliquer les inégalités de genre, l’auteur analyse la société congolaise où Dieu est omniprésent à travers notamment des églises et des mouvements religieux qui pullulent comme des stands de commerce, et où la plupart des pasteurs et bergers n’ont aucune formation théologique. La majorité de ces pasteurs et bergers autoproclamés ont une approche et une interprétation très littérales de la Bible et sont généralement allergiques à tout argument sensible au genre. En effet, la Bible dit : « Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur ; le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l’Eglise (Éphésiens 5 : 22-24) ; Que les femmes se taisent pendant les assemblées ; il ne leur est pas permis d’y parler, elles doivent obtempérer comme le veut la loi (1 Corinthiens 14 : 34-35) ». Pour apporter une réponse à ces interprétations plates et construire une société égalitaire entre homme et femme, le Professeur Camille Kuyu estime que les pasteurs et bergers devront jouer un rôle important. Cependant, pas ceux-là qui s’improvisent. Les autorités religieuses devront être bien formées à la compréhension et à la contextualisation des écritures saintes. Aussi, pour être impliquées dans la lutte contre les inégalités de genre, les autorités religieuses devront-elles, au départ, être elles-mêmes sensibilisées à la question.

Pour terminer cette partie, l’auteur attire également l’attention sur la chanson populaire. Pour lui, dans le contexte particulier du Congo, la musique populaire contribue largement à aggraver les inégalités de genre en construisant des modèles de comportement et de conduite qui dévalorisent la femme et qui présentent le modèle masculin comme dominant. Dans une pertinente analyse de nombreuses chansons congolaises, Camille Kuyu arrive au constat selon lequel ces dernières présentent la femme comme dangereuse, pas digne de confiance, inconstante, destructrice des relations entre les hommes, sorcière, voire même comme une nourriture pour l’homme. Certaines autres chansons véhiculent le message selon lequel la femme n’a de valeur que dans le mariage, ou encore que la pire des choses qui puisse arriver à une femme serait le fait de rester célibataire à vie, et qu’elle peut tout avoir (diplôme, argent, …), mais si elle n’a pas de mari, elle est une ratée. L’auteur montre que ces chansons rentrent dans la théorie de la violence symbolique de Pierre Bourdieu qui enseigne que « les dominés appliquent des catégories construites du point de vue des dominants aux relations de domination, les faisant ainsi apparaître comme naturelles. La violence symbolique s’institue par l’intermédiaire de l’adhésion que le dominé ne peut ne pas accorder au dominant lorsqu’il ne dispose, pour le penser et pour se penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d’instruments de connaissance qu’il a en commun avec lui et qui, n’étant que la forme incorporée de la relation de domination, font apparaître cette relation comme naturelle ».Dans le livre, on voit bien que l’auteur montre que le musicien a une place particulière dans l’entreprise de construction culturelle du genre. Sa musique devrait être une opportunité de promotion des questions d’égalité entre homme et femme. Aussi, appartient-il à la femme elle-même de se libérer et de s’émanciper du sentiment d’infériorité qu’elle porte en elle. Pour asseoir cette recommandation, le Professeur Camille Kuyu fait appel à la pensée de Lise Plante : « que les femmes s’exorcisent du péché originel, qui serait intériorisation de la faute et de la culpabilité, qui amène les femmes à être des complices de l’oppression qui pèse sur elles et à se sentir coupables de tous les maux. Il est temps que les femmes se débarrassent de ce que l’on a appelé ‘le complexe d’Ève’, ce complexe qui conduit les femmes à accepter d’être coupables et victimes dans beaucoup de situations difficiles ».

La quatrième et dernière partie est prospective. Un Etat fort doit être guidé par un leadership vertueux. Selon l’auteur, il n’y a pas deux voies pour le Président Antoine-Félix Tshisekedi : pour rebâtir un pays plus attractif, plus fort et plus grand au cœur de l’Afrique, il faut l’union des vertus individuelles et la vision politique. La qualité du leadership est la clé des transformations sociales et politiques souhaitées par tous. De toutes les vertus attendues du leader, il y a la magnanimité. Camille Kuyu souhaite que Félix-Antoine Tshisekedi soit magnanime dans ses rêves, dans ses visions et dans son sens de mission. L’auteur décèle cette vertu dans le message de vœux pour l’année 2020 que le Chef de l’Etat a adressé à la nation dans lequel Félix-Antoine Tshisekedi a mis un accent particulier sur les rêves de nos Pères de l’indépendance pour construire une puissance économique au cœur de l’Afrique assise sur des valeurs d’amour, de tolérance et de partage. Le leader que doit être le Président de la République est ce bâtisseur agissant avec prudence et courage, maître de lui, juste et fidèle à sa mission. Le lecteur remarquera que l’ouvrage met en relief la foi chrétienne du  Chef de l’Etat exprimée à travers la prière pour la nation, le message à la nation sur les mesures contre le Coronavirus. Le livre finit par montrer que le leadership incarné par l’homme d’Etat congolais est basé sur l’amour-charité, l’amour-pardon. L’auteur conclut en disant que Félix-Antoine Tshisekedi sait très bien que sa principale mission consiste à planter le décor de la relance de l’économie du pays. Pour ce faire il faut doter l’Etat d’une institution chargée de la prospective et de l’intelligence économique. L’auteur renchérit que le Président sait très bien qu’il faudra plusieurs mandats présidentiels pour redresser complètement le pays. La jeunesse actuelle et les générations futures pourront y arriver si les décideurs d’aujourd’hui préparent cet avenir en privilégiant l’éthique de la responsabilité, et en plaçant l’homme et les vertus au centre de leurs préoccupations.

La belle dernière phrase de la conclusion du livre qui s’appuie sur la pensée de Raimon Panikkar réfléchissant sur l’ « harmonie invisible » vaut la peine d’être reprise et amener ceux qui hésitent encore à se procurer l’ouvrage : « Même si nos opinions et axiomatiques divergent, à la pentecôte, les peuples ne parlaient pas tous la même langue, ni ne jouissaient de traduction simultanée, ni ne comprenaient les raffinements mutuels de leurs liturgies respectives. Pourtant, ils étaient convaincus et sentaient que tous entendaient les grands exploits de Dieu, les megaleia tou Theou ».

L’auteur nous gratifie des annexes qui reprennent certains discours du Président Félix Tshisekedi dans lesquels l’on pourra bien déceler certains pans annonciateurs de ce leadership pour un Congo nouveau.

Jean-Paul Segihobe Bigira

Professeur à l’Université de Kinshasa

Publicité
Publicité
Commentaires
Documentation et archives
  • Dans ce blog, sont publiées des reflexions sur le monde documentaire (archives, Documentation et Bibliothèque). La politique quelques fois interesserait ce blog et certaines photos de grands évènements en Afrique (RDC).
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité